top of page

La contagion de la coopération en entreprise : un effet structurant ?

Silja Druo

La coopération en entreprise est souvent perçue comme une valeur ou une attitude individuelle. Pourtant, la recherche en sciences comportementales montre qu’elle repose sur des mécanismes précis, qui peuvent être activés ou entravés par l’organisation du travail.



Mais pour que cette coopération ne soit pas un simple réflexe ponctuel, elle doit être soutenue par un écosystème cohérent. Cela signifie relier les différentes initiatives existantes, les rendre lisibles et leur donner du sens. Un manager qui adopte une posture de soutien et de collaboration favorise une dynamique où ses collaborateurs reproduisent ces comportements entre eux. Un système de reconnaissance bien pensé peut encourager la réciprocité et l’entraide de manière durable.

Si l’objectif est de favoriser une coopération stable, il ne suffit pas d’encourager l’entraide de manière isolée. Il faut structurer un environnement où la coopération devient une norme collective et auto-renforcée.


Quels sont ces mécanismes ? Comment les appliquer concrètement en entreprise ? Décryptage.



🌱 Mécanisme 1 : La réciprocité directe et indirecte


🔹 Théorie

Les individus coopèrent davantage s’ils savent que leur comportement sera reconnu et récompensé – soit immédiatement (réciprocité directe), soit à long terme par le groupe (réciprocité indirecte).

📌  Des études sur la coopération humaine (Nowak, 2006) ont montré que la réciprocité est un facteur clé qui favorise l’émergence de comportements coopératifs, même dans des environnements initialement compétitifs.


🔹 Application en entreprise

👉 Systèmes de reconnaissance sociale : 

  • Peer bonuses,

  • Intégré les "merci" en fin de réunion / documents partagés, 

  • Tableau de reconnaissance physique ou virtuel,

  • Feedbacks valorisants.

 👉 Intégrer des indicateurs de contribution collective dans les entretiens annuels : 

"Quelle aide as-tu apportée aux autres ?" 

"Comment as-tu favorisé le travail d’équipe ?" 

👉 Primes collectives et promotions basées sur l’entraide, pour montrer que les comportements coopératifs ont un impact réel sur l’évolution professionnelle.

— Intégration d’une dimension coopération à la grille de compétences


💡 À éviter : Un environnement où les contributions individuelles sont invisibles ou où seuls les résultats individuels sont récompensés. Cela décourage la coopération en instaurant une logique de compétition.



🕸️ Mécanisme 2 : La sélection spatiale (effet de proximité)


🔹 Théorie

La coopération émerge plus facilement lorsque les individus interagissent fréquemment avec les mêmes personnes. La proximité physique ou virtuelle favorise la confiance et les échanges spontanés.

📌 Les modèles mathématiques de sélection spatiale montrent que des clusters de coopération se forment dans les groupes où les individus collaborent régulièrement (Nowak & May, 1992).


🔹 Application en entreprise


👉 Stabiliser les équipes projet, pour éviter les changements constants qui empêchent l’émergence de relations de confiance. 

👉 Créer des espaces de travail collaboratifs, où l’aménagement physique ou digital renforce les interactions transversales. 

👉 Mettre en place des rituels collectifs : Stand-up meetings, réunions interservices, moments d’échange informels. 

👉 Favoriser la proximité en télétravail : 

Créer un canal Slack ou Teams dédié aux "questions rapides", où tout le monde peut répondre en quelques minutes. 

Encourager les "office hours" virtuelles, où un expert interne est disponible chaque semaine pour répondre aux questions de ses collègues.


💡 À éviter : Des bureaux cloisonnés où les échanges sont rares, ou un télétravail sans espace de discussion informelle. Sans interactions fréquentes, la coopération reste fragile.



⚖️ Mécanisme 3 : La sélection multi-niveaux


🔹 Théorie

La coopération est plus forte lorsque les intérêts individuels sont alignés avec ceux du groupe. Un salarié coopérera davantage si la réussite collective bénéficie à tous.

📌 L’étude d’Elinor Ostrom (1990), prix Nobel d’économie, a montré que la gestion efficace des ressources communes repose sur l’auto-organisation et l’alignement des intérêts collectifs et individuels.


🔹 Application en entreprise

👉 Définir des objectifs collectifs clairs, avec des indicateurs mesurant la performance d’équipe plutôt que seulement la performance individuelle. 

👉 Mettre en place des modes de rémunération collectifs : Participation, intéressement, primes d’équipe. 

👉 Utiliser des outils comme OKR (Objectives and Key Results) pour que chaque salarié voie son rôle dans la réussite collective. 

👉 Éviter la compétition interne excessive, qui nuit à la coopération en instaurant une mentalité de “chacun pour soi”. 

👉 Mettre en place une base de connaissances contributive, où chacun peut partager ses astuces et bonnes pratiques pour aider ses collègues.


💡 À éviter : Des incentives uniquement individuels, qui encouragent la rétention d’information et la rivalité entre collègues.



🧬 Mécanisme 4 : La répétition des interactions


🔹 Théorie

Plus les individus interagissent régulièrement, plus la coopération devient une norme stable. Dans les expériences de théorie des jeux, les joueurs coopèrent davantage lorsqu’ils savent qu’ils vont se revoir plusieurs fois.

📌 Axelrod (1984), avec ses simulations de la théorie des jeux, a montré que les interactions répétées favorisent l’émergence de comportements coopératifs stables dans le temps.


🔹 Application en entreprise

👉 Encourager les 1-to-1 réguliers, pour maintenir un lien de confiance entre managers et collaborateurs. 

👉 Développer le mentorat croisé, où chaque salarié accompagne un collègue sur une période définie. 

👉 Favoriser le travail en binôme ou en petits groupes, pour renforcer les liens interpersonnels et les habitudes de coopération. 

👉 Mettre en place des cycles de feedback courts et continus, pour ancrer l’échange et la communication régulière.


💡 À éviter : Des projets où les interactions sont rares ou limitées à des réunions de crise. Sans répétition des échanges, la coopération reste fragile et transactionnelle.



🔍 Conclusion : Concevoir un écosystème propice à la coopération

Plutôt que de voir la coopération comme une valeur à promouvoir, il est plus efficace de l’envisager comme un processus à structurer.

En activant ces mécanismes, une entreprise peut faire de la coopération une norme sociale ancrée dans le quotidien, et non un effort ponctuel.

Rendre la coopération visible et récompensée (réciprocité). 

Faciliter les échanges fréquents (proximité). 

Aligner les intérêts individuels et collectifs (sélection multi-niveaux).

 ✅ Créer des opportunités d’interactions répétées (répétition).

En mettant en place ces leviers, la coopération cesse d’être un vœu pieux pour devenir une réalité quotidienne. 💡🚀


 
 
 

Comments


bottom of page